Une merveille, une nouvelle Venise… Telle apparaît Mexico-Tenochtitlan, la capitale aztèque, aux conquistadors. Dans sa « lettre seconde » envoyée à l'empereur Charles Quint, Hernán Cortés décrit cette ville lacustre et ses merveilles (Cortès 1996 p 126). Elle lui apparaît comme aussi grande que Séville ou Cordoue. Entre lagune d'eau salée et terre ferme. Située à plus de 2200 m d'altitude, la cité est entrecoupée de canaux sur lesquels naviguent quantité d'Indiens à bord d'embarcations chargées de marchandises. De larges ponts de bois enjambent ces canaux et permettent à dix chevaux d'y « passer de front ». Mais ces ponts escamotables font courir un risque aux troupes de Cortés : celui de les isoler de la terre ferme et de les « laisser mourir de faim » (Cortès 1996 p 127). Certes, les Indiens, armés de frondes, d’arcs, de lances et de massues hérissées de lames tranchantes en obsidienne n'ont pas de quoi résister face aux escopettes, aux fauconneaux (pièces d’artillerie montées sur roues) et aux arbalètes, mais ils ont le nombre pour eux. Cortés est parvenu jusqu'à Mexico-Tenochtitlan grâce à sa détermination et aux alliances nouées d’entrée avec des tribus hostiles aux Aztèques (Totonaques, Tlaxcaltèques...). À moins que ce ne soit par la volonté de leur empereur, Motecuzoma. Ce dernier a-t-il attiré les conquistadors dans sa cité pour tenter de les piéger, une seconde fois, après sa tentative ratée à Cholula ? Seul fait certain : Cortés mesure que ses heures sont comptées et, par ruse, fait prisonnier Motecuzoma.
Une douleur mortelle
Apprenant que des soldats espagnols viennent d'être tués par des Mexicains, Cortés « invite » l'empereur à rester à ses côtés tant que l'affaire n'est pas éclaircie. Ce n'est que lorsque les coupables avoueront qu'ils ont agi sur ordre de Motecuzoma que des fers lui seront provisoirement mis aux pieds. Ce dont il éprouvera « une douleur mortelle ». Très provisoire, car dans ses lettres à Charles Quint, Cortés souligne combien Motecuzoma est affable et zélé, faisant sincèrement de son mieux pour servir sa Majesté. Au point qu’il lui sera même proposé de reprendre sa liberté. Ce qu'il refusera, arguant qu'il ne manque auprès des siens de rien de ce qu'il désire. Tandis que Motecuzoma mène grand train, Cortés s'intéresse de près aux mines du pays. Pas seulement pour y trouver de l'or, mais du cuivre, de l'étain et du fer. Afin de construire toujours plus de pièces d'artillerie. À lire Hernán Cortés, le service de l'empereur aztèque est digne de celui de nos rois….
" Seigneur Malinche "
Dans son palais de Tenochtitlan, Motecuzoma reçoit quotidiennement 600 dignitaires (Cortés 1996 p 136). Il porte chaque jour quatre costumes neufs différents. Au moment du repas, qu'il partage assis sur un coussin de cuir avec quelques parents, plus de 300 serviteurs lui apportent des plats innombrables, réalisés à partir de « tout ce que la terre peut produire ». Assiettes et tasses sont posées sur de petits braseros pour garder la chaleur. Toute cette vaisselle - comme les costumes - ne sert qu'une fois. Mais au fait : comment Cortés - qui ne parle que l'espagnol - est-il parvenu à rallier les tribus hostiles* aux Aztèques ? Le hasard, qui pour lui fait bien les choses, a mis deux interprètes sur son chemin. Le premier s'appelle Jeronimo de Aguilar. Son navire a coulé en 1511. D'abord prisonnier des Mayas, puis adoptés par eux, il parle couramment leur langue. Le second, ou plutôt la seconde, c'est la future Doña Marina** encore appelée la Malinche. Des Indigènes vaincus sur la route de Tenochtitlan l'ont donné, en tribut, à Cortés avec une vingtaine d'Indiennes. Elle parle le nahuatl, la langue des Aztèques - un peuple qu'elle méprise - et le maya. Ainsi, les deux interprètes sont parfaitement complémentaires et ils accompagneront partout Cortés. La Malinche, en particulier, jouera l'important rôle d'interprète entre Cortés et Motecuzoma. Au point que ce dernier, en s'adressant au premier des conquistadors, l'appellera « Seigneur Malinche » (Diaz 2003 p 81). Pour un temps, les Espagnols tombent sous le charme de Mexico dont les temples-pyramides de Tenochtitlan et Tlatelolco (son quartier jumeau) dominent la cité.
Pétris avec des cœurs humains
Dans l'enceinte sacrée du Templo Mayor, à Tenochtitlan, deux sanctuaires voisinent au sommet de la grande pyramide. L'un est consacré à Huitzilopochtli, la première des divinités pour les guerriers aztèques, l'autre est voué à Tlaloc, le dieu de la pluie, révéré par les agriculteurs. Dans son « Histoire véridique de la conquête de la Nouvelle Espagne », un témoin oculaire, Bernal Diaz del Castillo (2003 p 101) raconte y avoir vu une troisième idole au museau semblable à celui d'un ours : Tezcaltlipoca, « miroir fumant », pendant nocturne de Huizilopochtli…Vision horrible. Les murs et sols des sanctuaires sont couverts du sang des victimes sacrifiées. L'odeur est infecte, insoutenable. Il y a peu, juste avant de grimper les marches du temple-pyramide, Cortés et ses hommes étaient encore éblouis par la beauté des temples, des maisons, des auberges et par la profusion des marchandises échangées sur les marchés (Cortés 1996 p 127). Il s'en tient quotidiennement dans des rues spécialisées. À l'exemple de celle consacrée à l'herboristerie avec ses offices pharmaceutiques. Tous les produits qu'utilisent les Aztèques sont présents sur les étales des marchés. Bois, charbon et briques, fils de coton, plumes et cuirs, couleurs (car tout est peint : les temples, les statues…), mais aussi des poteries, des objets précieux. Sans compter tous les comestibles : maïs en grains, moulu et en pain, œufs et « omelettes toutes prêtes », légumes les plus divers, fruits, miel, viandes ( y compris des chiens), gibiers, poissons frais ou salés, et tous les oiseaux du pays. Autant de denrées que l'on troque ou que l'on paie avec des fèves de cacao… Un paradis sur terre. S'il n'y avait toutes ces « diableries » abritées dans les temples. Ainsi, Tlaloc, le maître de la pluie et de l'agriculture, est fait d'une pâte constituée de grains et de légumes pétris avec des cœurs humains « arrachés de poitrines vivantes ».
Triste nuit
La réussite de Cortés, autant que l’or des Indiens, fait des envieux. Apprenant qu’un certain Pamfilo Narvaez vient pour l’arrêter - car le conquérant s’est emparé du pouvoir sans autorisation royale – Cortés quitte momentanément
13 août 1521 :
Hernán Cortés
détruit Mexico-Tenochtitlan
À part Venise, la capitale des Aztèques
n'avait pas d’équivalent dans le monde
Abécédaire illustré, interviews
des chercheurs, les sites web à
consulter, les expositions...
(suite)
CLIQUER ICI
“Avant d’être un homme,
Cortés est un mythe.
Un mythe à facettes,
que se sont de tout temps
disputé écoles de pensée
concurrentes et idéologies
rivales, si bien que chacun
a pu voir “son” Cortés,
tour à tour demi-dieu
ou démon, héros
ou félon esclavagiste
ou protecteur des Indiens,
moderne ou féodal,
cupide ou grand seigneur”
Chrisitan Duverger
INTERVIEW
Depuis le 20 juin, lemondeprecolombien.com
publie dans le chapitre CHERCHEURS, une
interview de Christian Duverger relative à son
dernier ouvrage “ Cortés et son double. His-
toire d’une mystification ”. Où il est démontré
que Bernal Diaz del Castillo n’est pas l’auteur
de “ L’Histoire véridique de la conquête de la
Nouvelle Espagne “ !
Cliquer ci-dessous :
L’ultime manipulation
de Cortés
http://livres.lemondeprecolombien.com/index_60.htm
Paru en janvier 2013...
Cortés et son double
Enquête sur une mystification
Dans cet ouvrage, paru aux éditions
du Seuil, Christian Duverger fait la
démonstration que Diaz del Castillo
n’est pas l’auteur de l’Histoire véridique
de la conquête de la Nouvelle Espagne.
C’est Cortés qui a rédigé ce récit
de la conquête du Mexique.
Et Christian Duverger nous dit pourquoi...
Les “Lettres”de Cortés.
Sur ordre de Charles Quint, elles
ont été brûlées en place publique.